Il fait bon se promener à Mendoza : "La ville est pleine d’arbres (...): des platanes, au tronc blanchâtre, au large feuillage qui fait une ombre que l’on bénit à chaque pas. Comme la ville est une oasis artificielle au milieu du désert, on l’admire davantage. Dans toutes les rues, au bord du trottoir, il y a des rigoles d’environ 50 centimètres de profondeur. Et l’eau y coule plusieurs fois par semaine, si bien que les arbres sont irrigués et la ville reste verte, jamais sèche. Il en va de même dans les parcs et les vignobles : tout vit grâce à l’irrigation, l’eau qui descend de la cordillère et qui est ici répartie." raconte l'écrivain colombien Hector Abad, dans Trahisons de la mémoire, belle enquête autour d'un manuscrit de Jorge Luis Borges.
Plus loin il écrit : "Nous nous rappelons les choses non pas telles qu’elles se sont produites, mais telles que nous les référons dans notre dernier souvenir, dans notre ultime façon de les raconter. Le récit remplace la mémoire et devient une forme d’oubli". Veuillez accepter que nous vous offrions un peu de notre oubli.
Nous apprécions le charme tranquille de la ville et nous nous interrogeons encore à propos d'étranges dispositifs, croisés assez fréquemment, qui consistent à enfermer les caissiers de certaines boutiques, et je ne parle pas de boutiques de luxe, dans des cabines grillagées. Nous retrouverons cette pratique au Chili. S'agit-il de commerçants frileux ou bien existe-t'il une réelle délinquance qui nous a jusqu'alors échappée ? Est-ce propre à la région?
La plupart des échanges se font en liquide, par liasses de billets plein de zéros, les pièces sont rares, et si le compte n'est pas rond on vous rend la monnaie en bonbons. Les paiements par carte bancaire sont la plupart du temps majorés de 10%. Les argentins n'ont qu'une confiance relative dans le système bancaire, conséquence de crises économiques répétées et si sévères que même celle de 2008 a été considérée comme mineure.
Chili
Mendoza-Valparaiso : 20 heures de bus.
Sur le site de location d'appartement que nous utilisons depuis le début de notre voyage et qui nous a jusqu'alors apporté entière satisfaction, la minuscule maison perchée sur une colline entre Valparaiso et Viña del Mar, semblait coquette. Dans la réalité, non seulement elle est inconfortable mais elle n'a pas vu l'ombre d'un balai depuis fort longtemps. La nuit tombe et nous condamne à rester dans ce gourbi. Soirée ménage puis départ à l'aube pour un petit hôtel charmant.
Il fait un temps splendide ce dimanche à Valparaiso. En début d'après-midi, nous sortons pour une promenade dans le quartier, un peu à l'écart du centre touristique. Nous irons visiter la maison de Pablo Neruda. Quelques passants flânent dans les rues en ce premier tour d'élection présidentielle. Des chiens somnolent à l'ombre des murets. Puis tout va très vite. Deux inconnus arrachent violemment mon sac pourtant précautionneusement porté en bandoulière. La lanière de cuir épais résiste mais finit par céder. Les voleurs dévalent les escaliers, Hersilia et Simon à leurs trousses, et s'évaporent dans la nature. Un peu d'argent, un vieux téléphone, un carnet de notes, on ne s'en sort pas trop mal. Hersilia et Simon apprendront que dans certaines situations il est préférable de faire profil bas.
J'aurais dû être aux aguets comme je l'avais été au cours de mes promenades napolitaines. Le Chili, nous le constaterons à maintes reprises dans les jours à venir, est un pays de grandes inégalités sociales. Le nouveau président sera élu le 17 décembre prochain et certains chiliens craignent déjà le retour du milliardaire Sebastian Piñera.
De Valparaiso nous garderons le souvenir d'un petit tour dans un de ses fameux ascenseurs, celui qui, depuis 1883, hisse sa dizaine de passagers jusqu'au cerro Conception, adorable quartier de bicoques colorées. Pas de photo. Seul l'œil du Cyclope, impossible à dérober celui-là. Et tant pis pour la maison du poète! Mais que reste-t-il de sa ville chérie? Son front de mer est défiguré par des échangeurs routiers, voies ferrés et autres bâtiments noirs de crasse. Sans parler des murailles formées par des dizaines de conteneurs vomissant des flots d'inutiles marchandises.
Rien à voir avec Huang Yong Ping.
1 000 km au sud de Valparaiso : Rio Bueno
Région de lacs et de fleuves.
C'était en 1915. Il avait à peine 15 ans. Pour fuir la guerre, ses parents l'obligèrent à partir, loin, très loin. Aux Amériques. Après une longue traversée, il finit par accoster à Valparaiso. A-t'il eu des compagnons d'infortune ? Etait-il seul ? Comment a-t'il pu se faire comprendre, lui qui ne parlait que le basque ? Comment rejoignit-il Rio Bueno, ce village niché dans les collines qui ressemble étonnamment à sa région natale ? Y était-il attendu ? Il y restera toute sa vie, ne reviendra jamais en France. Ne reverra jamais ses parents, ses sœurs, ni même ce frère plus âgé dont le bras fut arraché par un obus : mon grand-père.
Il y a un an, lorsque ce que nous vivons aujourd'hui n'était encore qu'un rêve, cette histoire oubliée me revint à l'esprit. En quelques clics je dénichais un site consacré à l'immigration basque au Chili. Et voici ce que j'y trouvais :
Los Vascos de Francia en Chile
UHART / UNDIBURE / URDALLETA / URRUTIA / URRUTIAGUER / URRUTY
■ UHART
Etimología: ur + arte: Lugar rodeado de agua, entre aguas ; isla.
FAMILIA 1
I. Pierre Uhart, c.c. Marie Mendivil; padres de:
II. Pierre Uhart Mendivil, n.07-02-1892 Iholdy, fall. 21-07-1959 Río Bueno, sep. Cementerio Municipal de Río Bueno, casó 27-01-1942 Río Bueno[1] con Elicea del Río del Río, n.12-11-1897 Río Bueno, fall. 01-03-1968 Río Bueno, sep. Cementerio Municipal de Río Bueno, (viuda de Miguel Baes Barrientos, fall. 19-08-1926 Osorno), hija de José del Río. Test : Teodoro Cañas Vásquez, agricultor y Francklin Gallegos Gallegos, abogado. Agricultor en Río Bueno. Hijos :
1. Osvaldo Uhart del Río, n.12-07-1924 Río Bueno[2]. Trabajó donde Ilharreborde en Santiago. Casado en primeras nupcias con María Eliana Ribba Marti. En segundas nupcias 19-05-1984 Río Bueno[3] con Elena Ríos Ríos, nace 29-12-1924 Río Bueno[4], hija de Jesús Ríos Muñoz y Herminia Ríos Ríos. Hijos:
a) (Pedro) Osvaldo Uhart Ribba. Piloto civil, con actividad comercial en Santiago.
b) María Alejandra Uhart Ribba, con actividad comercial en Santiago.
c) Eugenia Eliana Uhart Ribba, nace 04-02-1957 Santiago[5], c.c. Pablo Etchepareborde Ordóñez, (ver Etchepareborde).
2. María Catalina Uhart del Río, n.06-10-1928 Río Bueno, fall. 1951 Río Bueno[6], sep. Cementerio Municipal de Río Bueno.
3. Armando Uhart del Río, n.05-06-1929 Río Bueno, con actividad de restorant, club, bar, pizzería en Río Bueno.
4. Flor (Alicia) Uhart del Río, n.20-04-1930 Río Bueno, fall. 03-03-1994 Río Bueno, sep. Cementerio Municipal de Río Bueno, con actividad de transporte urbano, suburbano de pasajeros en Futrono, c.c. Eugenio Aichele Monsalve, n.14-06-1931, fall. 20-09-1986, sep. Cementerio Municipal de Río Bueno. Hijos :
a) María Eugenia Aichele Uhart, con actividad de socio de empresas en Futrono.
b) Sonia Alicia Aichele Uhart, con actividad de socio de empresas en Futrono.
c) Sergio Osvaldo Aichele Uhart, con actividad de transporte urbano, suburbano de pasajeros en Futrono
Aucun doute, ce ne pouvait être que lui, il s'agissait bien de mon grand-oncle, c'est ici qu'il avait fait souche. Nous irons donc à Rio Bueno.
Nous y sommes.
La ville n'est pas bien grande, curieuse avec ses maisons de bois ou de tôle aux faux airs de far west frileux, oublieuse de son fleuve pourtant noble et puissant. Les annuaires ne nous apprennent rien, pas plus que les cimetières. Puis, aussi incroyable que cela puisse paraître, le hasard ou plus sûrement la force du désir, nous conduisent jusqu'à une toute jeune fille. Attentive, elle décrypte mon "itagnol", consulte judicieusement les anciens et l'histoire reprend les couleurs de la vie avec des embrassades, des rires et un enthousiasme partagé : nous venons d'hériter d'une flopée d'oncles, de tantes, de cousins et de cousines, chaleureusement accueillis dans des foyers que nous avions imaginés sans pouvoir nous les figurer.
Voyager c’est laisser place à ce qui nous dépasse.
Ps : Liliana ho perso il tuo numero di telefono a Valparaiso !!!!