Le Voyage du Cyclope Saison 2
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De Dubaï à Shiraz et de Shush à Bazargan

De Dubaï à Shiraz et de Shush à Bazargan

 

 

4d bis Tchoga Zambil

 

 

 

 

Jeudi 19 avril : vol Bangkok-Dubaï sur Emirats AirLines

 

39° au départ comme à l'arrivée, humidité équatoriale en moins.

 

Après de laborieuses formalités douanières guidées par Rajesh, celui que nous pouvons désormais appeler notre "ami indien", nous retrouvons notre fourgon : impeccable, tout y est.

 

Revenir à Dubaï et camper sur Jumeirah Beach nous donne la sensation de revenir "chez nous"...

 

Ballade dans le désert sur des montures à essence...la jeune génération jubile tandis que les dromadaires rêvassent au paddock.

 

 

6 étoiles de mer chatouillent ton gâteau d'anniversaire Simon!

 

Traversée du détroit d'Ormuz. Sur le ferry, nous sympathisons avec S. et S. marchands d'art suisses, nos premiers mécènes.

 

Arrivée à Bandar Abbas le 26 avril. Les douanes sont fermées en ce jour de fête iranienne.  Nous sommes condamnés à attendre  dans la zone de dédouanement, entre véhicules made in  Asia, pyramides bigarrées d'ustensiles ménagers en matière plastique, coffres débordants d'épices. Nous patientons. Un fil de nylon et l'espoir d'une pêche miraculeuse. Mais c'est S. qui dégote quelques poissons congelés que nous grillons. Sédali, croisé lors de notre précédent séjour à Bandar Abbas, nous apporte des citrons. Le vin blanc de contrebande est au frais. 

 

Oui, notre réfrigérateur fonctionne à nouveau. Appel à candidature : quel est l'ingénieur avisé qui pourra nous expliquer pourquoi l'ammoniaque circulant dans les tubulures et générant du froid se fige à proximité de l'équateur.

 

 

Enfin nous foulons à nouveau cette terre ocrée et roulons vers Shiraz, la ville des poètes, où  nous pouvons cette fois nous attarder.

 

C'est le printemps en Iran. L'atmosphère est saturée du délicat parfum des fleurs d'orangers. Des iraniens viennent se recueillir sur le tombeau du grand poète Hâfez, ils caressent la pierre tombale du bout des doigts, murmurent quelques vers invitant à savourer la vie.

 

Nous sommes accueillis à l'Université des Beaux Arts de Shiraz pour quelques jours. Et devant un parterre attentif de jeunes hommes musclés et de jeunes filles voilées, Damien présente son travail de gravure sur bois. 

 

Depuis notre arrivée en Iran, les échanges conviviaux se multiplient. Ali, prof de sculpture ornementale, nous invite à

déjeuner. Son timide garçon rit enfin de bon coeur avec nous quand la glace arrive sur la nappe posée au sol. Chez Mehrdad, nous goûtons un succulent poulet à l'iranienne, puis nous crapahutons ensemble dans les montagnes qui dominent la ville, contournant noyers et amandiers, écrasant bouquets de sarriette et de thym.

 

 

Le samedi 5 mai, nous prenons la route du Nord Ouest pour rejoindre le Khusestan, région frontalière de l'Irak. Ici, dans l'immense désert rocailleux balafré de secousses antédiluviennes, l'homme a dessiné un gigantesque réseau de gazoducs et d'oléoducs hérissé ça et là de fines cheminées crachant un feu blafard sous le soleil de plomb. Puis, au nord d'Ahwaz le paysage change, la nature devient clémente, une vallée prolonge celle du Tigre et de l'Euphrate en un appendice fertile.

 

Nous voici en Suziane, où, dès le 4ème millénaire, une brillante civilisation se développa.  Shush était capitale, et même si les traces de ses vies passées y sont ténues, le sol  tremble sous nos pas et colore de vrai les pages de nos livres d'histoire patiemment étudiés.

 

Aujourd'hui, nous faisons l'école près du mausolée du prophète Daniel.

 

 

Arrivée à Tchoga Zambil un soir de pleine lune. Dans la pénombre, l'immense ziggourat, machine extraordinaire, animal fantastique, assise sur un parterre de dunes herbeuses, crève le ciel étoilé. Comme si cela ne suffisait pas, le gardien éveillé nous invite à gravir illicitement la montagne sacrée et, comme ces voyageurs des siècles passés, nous porte aux endroits les plus périlleux...Nous sommes pris dans un tourbillon d'éternité. 

 

Nous restons ici quelques jours, la cahute des gardiens devient salle de classe et la nuit, les chiens éloignent les renards des sables. 

 

 

Il faut pourtant repartir. Traversée du Luristan, puis passage à travers une large brèche dans les Monts Zagros, et arrivée dans le Kurdistan iranien. Ce n'est pas la route "touristique" la plus fréquentée que nous empruntons. Notre fourgon fait son effet, on se retourne à notre passage. Les visages restent parfois fermés.

 

A Hamadan, les sommets enneigés nous rappellent que l'hiver existe bel et bien.  Les troupeaux de moutons font rêver notre bergère. Nous grimpons, croisons une femme en longue robe rouge, fichu fleuri sur la tête, nourrisson attaché dans le dos, son âne avançant avec prudence sur le chemin menant au  campement. Plus loin, c'est un berger aux yeux couleur de miel qui nous salue, la main posée sur le coeur. La montagne palpite d'essences odorantes et bienfaitrices qu'un vent aimable balaie jusqu'à la vallée, jusqu'à la ville, jusqu'au tombeau d'Avicenne.

 

 

Nous remontons toujours vers le Nord, en bifurquant cette fois vers l'Est. Téhéran. Revoir Homayoun et Shirine est un véritable plaisir. Merci de nous avoir permis d'entendre battre le poul artistique de votre ville. 

 

Visiter le Musée archéologique prend maintenant tout son sens. Les splendides objets perses, achéménides, parthes, luristanais...retrouvent dans notre imaginaire les plis, la lumière et les parfums des lieux auxquels ils ont été arrachés. 

 

 

Nous sommes déjà le 20 mai, notre visa d'un mois nous oblige à reprendre la route. Nous rejoignons ainsi les bords de la mer Caspienne. Traversons un delta verdoyant où les rizières regorgent d'une eau boueuse dans laquelle les femmes travaillent des journées entières. Les plages, hérissées de murs en parpaing protégeant les femmes du regard des hommes, sont en cette saison désertes. Les complexes touristiques vides. Les papiers gras volent librement avant de s'accrocher à quelques branches mortes blanchies par la mer. 

 

 

Nous quittons la côte après avoir goûté à Bandar-e-Anzalie, un air d'une douceur toute transparente. On comprend pourquoi le shah aimait  y séjourner.

 

 

De nuit, tandis que les enfants dorment bercés par le roulis du fourgon-escargot, nous gravissons une montagne abrupte dont les lacets serrés s'enroulent vers l'infini. Au matin, nous découvrons éblouis les fabuleux paysages de l'Azerbaïdjan iranien. Des montagnes vierges à perte de vue, des camaïeux de gris et de verts, froissés ça et là par des fumées blanchâtres. C'est grandiose. On ferme livres et cahiers. Pas d'école pour cause de beauté. 

 

Mouton grillé pour tout le monde. 

 

 

En redescendant vers Maku, la route se transforme en piste engluée d'une glaise grasse et humide, la pente s'inclinant en un degré vertigineux, aucun rail de sécurité ne vient parasiter l'extraordinaire panorama...Femme et enfants descendent à pied, skiant sur des raquettes de boue et Damien, prêt à sauter à la moindre fausse manoeuvre, guide vaillamment notre 3  tonnes jusqu'au rassurant bitume. 

 

 

Puis ce sera le passage de frontière à Bazargan. Quelques billets glissés dans une pogne facilitent les transactions et, après trois petites heures, nous entrons en Turquie. 

 

 

Un dernier regard vers l'Iran que nous quittons cette fois encore avec une certaine nostalgie.  Nul doute que nous garderons longtemps le souvenir de ces paysages saisissants, de cette digne élégance, de ces parfums sucrés, de ce brillant  passé, et de ces cicatrices qui brûlent en silence. 

 

 

Khoda hafez Iran.

 

 

 

 

Album photo n° 0-25