Une étape qui sonne comme le titre d’une chanson de Barbara, une étape aux contrastes saisissants à donner le frisson.
Bangkok : le choc.
Mégapole de plus de 10 millions d’habitants, dont la moitié de chinois. Une humanité qui grouille dans un univers où ne subsiste plus un mètre cube d’oxygène. Un fleuve innervant une infime partie de la ville, irradié en centaines de canaux, dont la plupart a été bétonnée. Près de l’eau, des villas, pagodes, stupas, bicoques de bambou ou de tôle ondulée, du vent, et encore du vent, des hôtels de luxe, le Palais Royal aux murs d’enceinte d’un blanc de lait…et des tas d’ordures flottant, entre varans et carpes diaboliquement grasses, comme dans un film de Miyazaki. Une Venise asiatique et décatie.
Bangkok, est devenu capitale du Siam à la fin du XVIIIeme siècle, après la chute d’Ayyutthaya. Depuis, le colosse aux pieds plongeant dans la boue grossit à perte de vue, s’hérisse de bretelles routières, échangeurs, métro aérien, en une expansion anarchique. Et dans la « cité des anges », l’enfer côtoie la douceur nonchalante de petits havres de paix.
Musée des Barges Royales : les embarcations de bois au profil élégamment effilé, s’arment de figures de proues remarquables.
Musée du Siam : l’histoire du pays, de l’antiquité à demain, y est racontée de façon didactique et joyeusement ludique. On y affirme sans complexe ni preuves que la Thaïlande est cette mystérieuse Suvarnabhumi . Plus loin, on nous emporte dans une valse d’activité, sarongs-déguisements à enfiler, jouets en bois à manipuler, vrai canon tirant de faux boulets sur un vrai écran où avancent de faux éléphants... La salle du « futur » étant fermée, nous ratons cette rencontre avec l’idée que se font les thaïlandais de leur lendemain…
Musée National : ici, pas de conférencier pérorant (oups), pas de scénographe inspiré condamnant le regard à une lecture univoque, mais un passionnant bric à brac d’objets et de sculptures, flirtant avec de majestueux élevages de poussière. Un rayon de soleil glisse à travers une claie, se pose sur la tête d’un bouddha s’interrogeant sur le sort de son corps potelé perdu, puis repart, jusqu’au lendemain. Les reflets sur les vitrines cultivent des anachronismes et créent des reliefs temporels qui gonflent les objets de collection d’un souffle de vie. Du brut, du vrai.
Dans l’atelier de restauration les soins apportés aux grandes figures mythologiques de bois, ou aux gigantesques chars, ne consiste pas à préserver l’ancien. Les restauratrices appliquent consciencieusement des couleurs chatoyantes et les grandes traînées d’acrylique enveloppent ces trésors séculairement pubères.
Théâtre National : une danse masquée nous raconte le Ramakien, version thaï du Ramayana, où hommes et démons guerroient. Les masques de papier mâché dissimulent de bien jeunes acteurs qui posent fièrement.
Chiang Mai et villages des montagnes alentours : Soppong, Mae Lana, Pai.
Chiang Mai fut capitale d’un puissant royaume au XIIIeme, puis elle sera longtemps occupée par les birmans. Le patrimoine de la ville est très riche mais les touristes engorgent les ruelles du centre historique.
Nous quittons cette grande ville au cœur paisible pour nous enfoncer dans les montagnes, frôlant la frontière birmane que nous aurions bien envie de franchir. Dans ces montagnes, les palmiers poussent à l’ombre des sapins, les cultures en terrasse offrent des productions variées et désormais licites. Des femmes d’un autre temps, costumées, les lèvres ourlées de rouge bétel, nous invitent dans ce qui leur sert de foyer : quelques bambous posés en équilibre sur de graciles pilotis, une unique pièce au centre de laquelle couve le feu.
Le temps s’est arrêté et pourtant nous fêtons le Nouvel An 2556. A l’occasion de Songkran , il était coutume d’asperger d’eau lustrale les mains des ancêtres en signe de respect . Aujourd’hui, ce sont des tonneaux entiers qui sont projetés sur les passants par des jeunes hilares et les magasins regorgent de pistolets à eau qui se vendent comme mangues mures.
Ces douches improvisées sont pourtant bienvenues tant les températures montent.
Et nous savourons encore et encore les spécialités culinaires. Les fruits ont une saveur paradisiaque. Nous nous aventurons à goûter des insectes grillés, bombes protéinées, en l’occurrence larves de ver de bambou.
Sans oublier nos matinées studieuses.
Inutile de commenter la baignade avec les éléphants…
Demain, nous prenons un avion de Bangkok à Dubaï. Le fourgon nous y attend déjà.
Dans nos valises, nous ramenons une foule de sensations bigarrées, un émerveillement angélique mais sincère, des tas de questions restées sans réponse, quelques pierres polies par les torrents, de précieuses amulettes de bronze…
Et nous saluons nos hôtes, mains jointes, pour les remercier de leur accueil prévenant et respectueux.
Album photo n° 0-24